Conseil d’État
N° 367367
2ème sous-section jugeant seule
lecture du mercredi 5 février 2014
Vu le pourvoi, enregistré le 2 avril 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présenté par le ministre de l’intérieur ; le ministre de l’intérieur demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler l’arrêt n° 12LY00826 du 24 janvier 2013 par lequel la cour administrative d’appel de Lyon a, à la demande de M. B…A…, d’une part, annulé le jugement n° 1000212 du 24 janvier 2012 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision du préfet du Rhône du 5 janvier 2010, lui refusant le renouvellement de son titre de séjour, d’autre part, annulé cette décision et enjoint au préfet de délivrer à M. A…une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » dans le délai d’un mois ;
2°) réglant l’affaire au fond, de rejeter l’appel de M. A…;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de M. Tristan Aureau, Auditeur,
– les conclusions de Mme Béatrice Bourgeois-Machureau, rapporteur public,
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, Coudray, avocat de M. A…;
1. Considérant qu’aux termes de l’article L. 313-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée : » Sauf si sa présence constitue une menace pour l’ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit : / (…) 7° A l’étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n’entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d’existence de l’intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d’origine, sont tels que le refus d’autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l’article L. 311-7 soit exigée. L’insertion de l’étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; » ;
2. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par décision du 5 janvier 2010, le préfet du Rhône a refusé, sur le fondement du 7° de l’article L. 313-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, à M.A…, ressortissant marocain, le renouvellement de la carte de séjour temporaire portant la mention » vie privée et familiale » qu’il avait sollicité ; que cette décision était fondée sur la circonstance que la présence de l’intéressé sur le territoire constituait une menace pour l’ordre public compte tenu de sa condamnation le 30 mars 2007 par la cour d’assises des mineurs du Rhône à une peine de trois années d’emprisonnement et cinq ans de suivi socio-judiciaire, pour des faits de viol sur mineure de moins de quinze ans en réunion, commis en juin 2004 ; que le tribunal administratif de Lyon a rejeté le recours pour excès de pouvoir formé par M. A…contre cette décision par un jugement du 24 janvier 2012 ; qu’en revanche, par l’arrêt attaqué, la cour administrative d’appel a annulé le jugement du tribunal administratif ainsi que la décision du préfet du Rhône ;
3. Considérant que, pour annuler le jugement du tribunal administratif de Lyon et la décision litigieuse du préfet du Rhône, la cour administrative d’appel de Lyon, après avoir relevé que les faits à l’origine de la condamnation pénale de l’intéressé étaient très graves, s’est fondée, d’une part, sur la circonstance que M.A…, âgé de dix-sept ans au moment des faits, avait, depuis lors, purgé sa peine et démontré une volonté et des capacités d’insertion sociale et professionnelle et, d’autre part, sur la circonstance que l’intéressé, résidant en France depuis l’âge de treize ans avec son père, devait être regardé comme ayant en France le centre de ses intérêts privés et familiaux, en dépit de la présence au Maroc de sa mère et d’une partie de sa fratrie ; qu’en estimant, dans ces conditions, en dépit de la gravité et du caractère récent des faits reprochés à l’intéressé, que la présence de M. A…en France ne constituait pas une menace à l’ordre public permettant au préfet du Rhône de refuser le renouvellement du titre sollicité sans porter une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale garantie par l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l’article L. 313-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, la cour administrative d’appel a inexactement qualifié les faits de l’espèce ; que le ministre est, par suite, fondé, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, à demander l’annulation de l’arrêt qu’il attaque ;
4. Considérant qu’il y a lieu, par application de l’article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l’affaire au fond ;
5. Considérant, en premier lieu, qu’il ressort des pièces du dossier qu’aucun élément produit par M. A…au cours de la procédure ne permet d’infirmer les documents par ailleurs produits par le préfet du Rhône selon lesquels son entrée sur le territoire français pour y résider de façon habituelle avec son père serait intervenue le 14 juin 2000 ;
6. Considérant, en second lieu, que les faits de viol sur mineure pour lesquels M. A… a été condamné sont particulièrement graves ; que si l’intéressé fait valoir que son père et l’un de ses frères résident habituellement en France et qu’il a suivi une formation en alternance à sa sortie d’incarcération, il ressort des pièces du dossier que l’intéressé est célibataire et sans enfant et n’est pas dépourvu de liens familiaux et personnels avec le Maroc, où sa mère et ses autres frères résident et où il a vécu jusqu’à l’âge de treize ans ; qu’en estimant, dès lors, que la présence de M. A…en France constituait une menace à l’ordre public au sens de l’article L. 313-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et en refusant, en conséquence, de lui renouveler sa carte de séjour temporaire mention » vie privée et familiale « , le préfet du Rhône n’a pas fait une inexacte application des dispositions du 7° de l’article L. 313-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et n’a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l’intéressé au respect de sa vie privée et familiale garanti par l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
7. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. A…n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision du préfet du Rhône refusant de lui renouveler sa carte de séjour temporaire mention » vie privée et familiale » ;
8. Considérant que les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce qu’il soit fait droit aux conclusions présentées sur le fondement de ces dispositions par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat de M. A…;
D E C I D E :
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Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Lyon du 24 janvier 2013 est annulé.
Article 2 : La requête présentée par M. A…devant la cour administrative d’appel de Lyon est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat de M.A…, tendant à l’application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l’intérieur et à M. B…A….